Synthèses des conférences 2011

L'émergence des plateformes de diffusion numérique | Conférence Gestion de production et asset management ©

L'émergence des plateformes de diffusion numérique

  1. Intervenants
  2. Modérateur
  3. Introduction
  4. Netflix : solution de remplacement ou offre complémentaire ?
  5. La 'parade' des chaînes hertziennes
  6. Le point de vue du producteur indépendant
  7. Le contenu, clé de voûte de l'animation
  8. L'exclusivité en question
  9. La question des droits

Sommaire

À l'ère du marché de l'hyperdiffusion, de la TV connectée et du cloud computing, comment créateurs et producteurs de programmes appréhendent ces bouleversements en termes économiques, narratifs ?
Les diffuseurs tendent à une approche délinéarisée et les producteurs travaillent une distribution narrative à plusieurs niveaux... Vers la revanche du contenu ?

Intervenants :

Modérateur :

Introduction

Christian Davin, dans son introduction, explique que, "avec le développement du très haut débit, de la télévision connectée et du cloud computing, l'IPTV est en train de révolutionner les moyens d'interagir avec la télévision". Aujourd'hui, qui dit télévision doit penser écrans multiples et donc "tous connectés". Le producteur avance que "d'ici 3 à 5 ans, la totalité des foyers sera connectée à l'Internet par la télévision, ce qui induit de profonds bouleversements économiques pour les créateurs et producteurs de programmes". Et de citer en exemple le cas de la plateforme de diffusion localisée aux États-Unis Netflix, qui "non seulement acquiert des catalogues entiers de programmes, mais se positionne également en amont sur des programmes neufs avec une diffusion exclusive sur une période donnée". Au premier trimestre 2011, le service en ligne de Netflix a devancé pour la première fois Comcast, leader des câblo-opérateurs, avec 23,6 millions d'abonnés (source ZDNet), ce qui représente ¼ du trafic Internet aux États-Unis. Netflix envisage de s'installer entre 2011 et 2012 dans deux pays européens ; la Grande-Bretagne et la France semblent être privilégiées.

Netflix : solution de remplacement ou offre complémentaire ?

La première intervention est celle de Jean-Michel Ciszewski, producteur de programmes d'animation au Canada, où a débuté l'expérience Netflix avec la livraison de films DVD par courrier postal avant son portage sur le Net.
En dépit des craintes soulevées par l'arrivée de plateformes de diffusion sur Internet, il précise que "les chaînes de télévision restent nos interlocuteurs essentiels. Nous travaillons sur des modes de diffusion tels que la télévision par souscription, la VOD sur Internet, avec des chaînes. Par ailleurs, nous avons commencé à opérer des deals numériques depuis un an. Netflix est l'un de nos plus gros clients avec des contrats sur les États-Unis, le Canada et l'Amérique latine. C'est un marché exponentiel. À titre d'exemple, il y a 23 millions d'abonnés aux États-Unis et le Canada en a enregistré 800 000… en seulement six mois ! Et la plateforme affiche un taux de transformation, du gratuit au payant, de 60 %.

Pour Cookie Jar Group, il ne s'agit pas d'un remplacement mais bien d'une offre complémentaire. Il ne faut pas perdre de vue que les abonnés sont déjà largement présents, toujours via l'abonnement, sur le câble et le satellite. Seuls 3 % des personnes interrogées disent abandonner les autres canaux de diffusion, historiques".

Enfin, pour compléter sa perception de ce nouvel entrant possible en Europe, Jean-Michel Ciszewski précise que 65 % des abonnés Netflix regardent leurs programmes via la télévision, contre 23 % par l'ordinateur et 9 % par les tablettes.

La 'parade' des chaînes hertziennes

Pour Julien Borde, "il y a longtemps que les diffuseurs ont une approche délinéarisée et le terme de diffuseur hertzien n'a plus grand sens". Même son de cloche de la part d'Eleanor Coleman qui ajoute : "il y a une grande fidélité du public enfant aux cases TV de TF1. La chaîne dispose d'une offre IPTV, MyTF1, de catch up qui a permis de faire émerger notre marque TFou. C'est un endroit fabuleux pour les fidéliser… à la télévision". Christian Davin fait remarquer que cette fidélisation ne concerne que les 4/10 ans ; ensuite, la possession d'ordinateurs, smartphones et autres terminaux mobiles risque d'entraîner une dilution de cette fidélité.


Si la représentante de TF1 mise sur les séries originales fabriquées en France pour soutenir l'audience sur les médias traditionnels, Julien Borde demeure plus circonspect : "lancer une nouvelle marque, une nouvelle série, dans cet écosystème est aujourd'hui très risqué. Il ne faut donc pas que cela reste une jungle ; au contraire, il convient de normer le cadre d'action de chacun. On doit se poser la question des quotas, aussi sur ces nouveaux médias. Sinon, nous risquons de nous retrouver comme en 1985 avec un nivellement des séries". Et le directeur de l'unité Jeunesse de France Télévisions ajoute que l'on assiste à "un retournement du modèle avec, désormais, des produits dérivés de marque qui ne sont pas passés d'abord par la télévision".


En qualité de représentant de The Walt Disney Company, Orion Ross dispose d'une double expertise, à la fois sur le versant américain, où les plateformes de diffusion numérique sont bien installées, et sur le versant européen, comme VP de Disney Channels EMEA, en charge des séries originales. Il voit dans ces plateformes "une énorme opportunité. Je suis, de par mon métier, producteur de séries originales européennes même si, en effet, Disney a été le premier à vendre des séries sur iTunes. Mais, au-delà des éventuels conflits d'intérêts, je pense que tout cela est synonyme d'un accroissement incroyable du nombre de personnes qui vont être en mesure de créer du contenu de qualité. Il faut savoir évoluer. Déjà, les producteurs qui viennent nous voir avec leurs projets ont pensé à la façon de distribuer la dimension narrative sur plusieurs canaux. C'est donc maintenant qu'il faut bouger. La télévision demeure la plateforme de référence, mais ce n'est désormais plus la seule."

Le point de vue du producteur indépendant

Pour Samuel Kaminka, "l'émergence des plateformes de diffusion numérique est, en effet, une véritable opportunité créative. Mais il faut garder à l'esprit que ceux qui renouvellent cette créativité sont les structures indépendantes. À ce titre, il faut leur porter une attention soutenue". Il admet volontiers que le métier de producteur a changé : "nous sommes passés dans une optique de création de marques avec, parfois, le sentiment d'être plus un gérant d'ayants droit qu'autre chose. En outre, nous nous retrouvons face à un marché très déstructuré, dans un marché de l'hyperdiffusion". Il ajoute que le "duo producteur/diffuseur en Europe est essentiel pour ne pas être tiré vers le 'gratuit', entendez les agrégateurs de contenus qui ne redistribuent absolument rien. Ce que ne fait pas Netflix", précise-t-il.


En écho à ces propos, Julien Borde évoque la mise en place d'un système à la fois de broadcasting mais aussi de narrowcasting.

Le contenu, clé de voûte de l'animation

Face aux propos de certains intervenants à l'encontre des majors hollywoodiennes, représentées dans ce panel par Orion Ross, ce dernier assure avec véhémence qu'il est "européen avant tout. Je m'appuie sur des producteurs indépendants et créatifs et je ne dispose pas d'une armée de scénaristes !"


La création de qualité semble être le point de convergence de tous. Pour Samuel Kaminka, "le contenu est roi, surtout dans un monde abreuvé d'images sur de multiples écrans. Ce qui va arrêter l'œil, justement, c'est la valeur du contenu". Julien Borde complète à l'intention des producteurs présents dans la salle : "Lorsque nous utilisons le mot marque, merci de ne pas nous présenter un projet dans lequel les chaussettes à l'effigie de votre personnage ont déjà été pensées ! C'est la dimension artistique qui prime !"

L'exclusivité en question

Avec l'arrivée de nouveaux venus comme Netflix, on assiste à des achats de programmes frais à prix fort et cela risque d'asphyxier la concurrence, donc les chaînes de télévision. "Et la crainte est de voir disparaître la notion d'exclusivité", avance Samuel Kaminka. En effet, Jean-Michel Ciszewski admet avoir signé un accord avec la plateforme pour un droit de diffusion exclusive d'un an et demi voire deux pour une série originale, disponible à la fois au Canada et aux États-Unis.


Face à cela, Julien Borde réaffirme son attachement, en qualité de responsable d'un service public généraliste, à la notion d'exclusivité. Présente dans la salle, Ève Baron, ancienne directrice des programmes de Canal J puis de l'unité Jeunesse de France 3, et désormais productrice à Mondo TV France, soutient l'idée de "l'exclusivité par territoire dans un dialogue constructif entre producteur et diffuseur".

La question des droits

Interrogé par Christian Davin pour donner le point de vue du CNC, Thierry Langlois, directeur de l'audiovisuel, est on ne peut plus clair : "En France, tous ceux qui utilisent du contenu à des fins de diffusion doivent participer au financement. En outre, si la situation fait que les diffuseurs historiques souffrent, le CNC doit être en mesure de gérer et de trouver des solutions palliatives". Samuel Kaminka renchérit en soulignant : "nous avons la chance d'être dans un secteur très structuré et c'est un vrai point positif qu'il ne faut pas négliger, comparé à la situation d'autres producteurs ailleurs en Europe". Il souhaite également calmer le débat : "Nous ne sommes pas en guerre, mais il faut que l'on se concerte avec les diffuseurs pour offrir aux téléspectateurs des alternatives attractives". Mathieu Béjot, au nom de TVFI, indique cependant qu'il est "extrêmement difficile de nouer des relations commerciales avec les représentants de ces plateformes numériques".


En conclusion, Christian Davin tient à rappeler les points qui lui semblent les plus saillants :

  • La question de l'approvisionnement fait débat : où acquérir des programmes ?
  • La question de l'exclusivité des droits de premier passage : "il faut ici se poser la question de la gestion des droits et de la rétribution pour parvenir à une situation concurrentielle, certes, mais plus naturelle".
  • La problématique de l'iCloud d'Apple et du cloud computing en général : jusqu'alors cantonné au domaine de l'entreprise, le nouveau service d'Apple qui devrait voir le jour à l'automne propose, à tous, la possibilité de stocker images, vidéos et sons sur un espace en ligne. Quid de la question de la rediffusion et des droits afférents ?


Rédigé par Stéphane Malagnac, Prop’Ose, France
Contact : christellerony@citia.org
La synthèse des conférences Annecy 2011 est réalisée avec le soutien de :

 

dgcis  Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

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