Éditoriaux

France Télévisions

PIERRE SIRACUSA Directeur de l’Animation, des jeunes publics et de l’éducation France Télévisions

L’animation a toujours su tirer profit des innovations technologiques. Son sens aigu du détournement, son goût prononcé pour le bricolage, l’amènent à questionner sans cesse ses méthodes de production et ses outils de fabrication.

Cette capacité à se nourrir des grandes innovations a incontestablement été, ces 20 dernières années, au service d’une création toujours plus riche et plus diversifiée. Et nul doute que l’animation saura mieux que quiconque exploiter les vertus de l’I.A. générative. C’est d’ailleurs déjà le cas, sur la plupart des grandes obsessions de l’image animée : animation en temps réel, ultraréalisme des images, des mouvements, etc.

Cependant, ces innovations questionnent maintenant le statut même de l’œuvre : ChatGPT et Midjourney ont ouvert la voie à des objets hybrides, en se substituant de plus en plus activement à la création. Ces outils et leurs futurs successeurs sont-ils susceptibles de remettre réellement en cause le statut de l’auteur dans nos process de création… ?

Dans le même temps, les espaces de diffusion se sont dotés, eux aussi, d’outils d’analyse et de recommandation toujours plus fins, plus efficaces, au point de remettre en question la notion de programmation. Ce mouvement est loin d’être neutre dans la conception des programmes. Si la programmation n’était qu’une affaire d’algorithmes, on ne voit pas comment l’intelligence artificielle ne remplacerait pas, pour tout ou partie, le rôle de l’auteur.

Le vrai enjeu de l’avenir de ces intelligences numériques dépendra AUSSI de la capacité des diffuseurs à revendiquer l’éditorialisation de leurs offres (avec paradoxalement une programmation linéaire qui pourrait s’avérer de plus en plus au service de la création).

C’est aux éditeurs qu’incombe le devoir de faire le pari du parti pris, de l’idée portée par des convictions, le pari des regards singuliers qui vont au-delà du bon respect des critères algorithmiques.

Cette responsabilité est celle de tous les diffuseurs, les plus grosses chaînes linéaires comme les plus petites salles de cinéma, les plateformes comme les festivals…

Longue vie donc au Festival d’Annecy !